Hier, mercredi le 14, je suis donc allée faire le tour des écoles pour proposer mes services en tant que professeur de français. Je vous dis pas comme ça fait bizarre. J'ai jamais voulu être prof, moi! Cela dit, je suis allée voir dans des écoles pour adultes, donc en fait de cours ce sont plutôt des cercles d'étude alors ça me va. Le problème, c'est que le tour de ces écoles à Haparanda... c'est vite fait. Il y en a trois. Et quand l'une des trois est fermée pour deux jours, ça va encore plus vite. (Qui a pris le vélo pour rien tout à l'heure?) Dans les deux premières écoles en tout cas, j'ai laissé mon CV et une bonne impression, même si dans la deuxième école, on n'a pas compris tout de suite que je voulais donner des cours, et non en prendre. Il m'a été confirmé une fois de plus que je semble plus jeune que je ne le suis. Je ne me plains pas, plutôt ça que le contraire!
On m'a aussi complimenté pour mon niveau de suédois quand j'ai montré mon CV avec un an d'études en suédois et que j'ai dit avoir été à Haparanda pendant un mois. Soyons honnêtes, ça fait un peu plus d'un mois, mais tout de même! En ce qui concerne les cours de français, je n'ai pas beaucoup d'espoir; je doute qu'il y ait assez de suédois masochistes à Haparanda pour vouloir apprendre une langue aussi difficile. Mais je verrai bien.
En parlant de français (aussi bien la langue que les habitants du pays), j'ai découvert hier (avec joie!) que je n'étais pas la seule expatriée de France ici. Si si, je vous jure!
Je m'explique: j'étais allée à Prisma (c'est en Finlande) avec Kai pour acheter à manger et nous cherchions de la viande pas trop chère quand nous sommes passés à côté d'un couple qui parlait français. Kai comme moi avons ralenti mais sans nous arrêter, et quelques pas plus loin il s'est tourné vers moi et a demandé s'il avait bien entendu, je lui ai confirmé que oui, c'était bien du français.
Première réaction: rigoler. Nous étions tous les deux tellement surpris que nous avons eu un beau fou rire en plein milieu du magasin.
Deuxième réaction: "Va leur parler." - Kai.
Je lui ai dit que j'étais trop timide, mais nous en riions tellement que j'ai mis ma timidité de côté et je suis allée parler aux francophones. Il s'est avéré que seul le jeune homme était francophone (d'où en France, je n'ai pas demandé) et la jeune femme qui l'accompagnait était finnoise (mais parlait français apparemment couramment). Je dois avouer que ça m'a fait très bizarre de parler français, ça faisait quelques temps que je n'avais pas vraiment parlé (il m'arrive de parler français à Kai, mais c'est comme parler dans le vide, il comprend très peu le français oral) et j'ai eu l'impression que c'était difficile, comme de faire un geste qu'on n'a pas fait depuis longtemps et qui a presque disparu de la mémoire musculaire. Je peux toujours parler français bien sûr, mais je n'ai plus le même accent qu'avant, ou du moins c'est mon impression.
À force de parler l'anglais et le suédois, je prends des accents...
Je me dois tout de même de préciser que pendant que je parlais ma langue maternelle avec une joie surprise, Kai est resté à quelques pas de distance, se disant que de toute façon il n'y comprendrait que dalle. Je reconnais qu'à la vitesse à laquelle nous parlions, francophones déracinés, il n'aurait en effet rien compris.
Bref, cette anecdote est la deuxième de ma collection "le français en Scandinavie", la première anecdote étant celle de l'employé de Arbetsförmedlingen qui a fait de louables efforts pour sortir un français correct (efforts salués, appréciés et reconnus). Ce que je n'ai pas mentionné dans mon post précédent, c'est que cet employé en question m'a à un moment donné sorti "C'est la vie." avec une prononciation qui était d'ailleurs très bonne. Ce qui était moins bien, c'est quand il a traduit en suédois, ou essayé de traduire parce qu'il m'a d'abord sorti "Det är havet." ("C'est la mer."). Je n'ai pas pu m'empêcher de rire et de le corriger; "Det är livet.". Sur quoi il a souri, puis a ajouté en suédois, l'air pensif "18 ans, tu sais pas ce que c'est, la vie... enfin peut-être que tu sais..."
Je ne prétends pas savoir, mais j'apprends. Et de toute façon, la vie, chacun la voit différemment.
... Ce qui me fait une transition parfaite pour ma prochaine anecdote! Celle-là, elle est bonne. C'est arrivé hier aussi en sortant de Prisma. Kai et moi avions acheté des glaces (oui, encore, la route est longue jusqu'à Prisma et il nous faut notre dose de sucre) et nous les mangions avant de repartir vers Haparanda quand un type bizarre portant une casquette ornée de fleurs s'est approché de Kai et a commencé à lui parler. J'étais un peu en retrait mais quand Kai est venu vers moi avec son vélo, le drôle de type l'a suivi et a commencé à nous parler en finnois. J'étais complètement paumée mais je voyais bien que ce gars-là n'était pas net. Des fleurs sur la casquette, des canettes de bière dans un sachet, l'air complètement à l'ouest... Kai m'a dit qu'il était saoûl, mais à mes yeux il avait plutôt l'air d'avoir des locataires que d'être rond comme une queue de pelle. (Ah, l'argot. En suédois, pour désigner quelqu'un de fou, on dit qu'il n'a pas tous les chevaux à la maison. En français, on parle d'une case en moins. Je ne vais pas vous faire les expressions anglophones en plus, ça suffit comme ça.) Bref, ce type nous a exécuté une sorte de danse tout en parlant finnois et quand il s'est éloigné l'air joyeux, Kai m'a traduit ses propos... enfin à peu près, parce que selon lui, il avait utilisé des mots qui n'existent pas et un nom style "conte de fées" mais ça donnait à peu près ça:
Il est allé dans un pays étranger pour rencontrer une personne [insérer ici le nom "conte de fées"] qui lui a appris un sort. C'est pour ça qu'il a des fleurs sur sa casquette, et la danse qu'il a faite ainsi que les mots qu'il a dit, et les fleurs bien sûr font partie du sort, et c'est un tour de magie qui fait en sorte que les choses vont bien.
Ah, et ses canettes de bières n'étaient pas ouvertes, donc il était sans doute plus fou que bourré. Sacré délire quand même.
Hier, il faisait très beau et assez chaud pour être en T-shirt avec une optionnelle casquette. Aujourd'hui, il souffle un vent du Nord, la température rase les 15°C et il pleuviote et bruine la plupart du temps. Comme quoi, ici, le vent du Nord c'est pas comme en France. Ici, le vent du Nord, c'est ce qui fait la différence entre l'été et l'automne.
Je vous parle de la météo non pas pour m'étendre sur le rude climat scandinave mais au contraire dans un but moins didactique: je veux râler. Je veux grommeler, bougonner, ronchonner contre ce fichu vent et cette fichue pluie et ce fichu froid, parce que j'ai essuyé les trois à vélo ce matin. Pourquoi? Parce que quand le réveil a sonné à 9h ce matin, n'importe qui se serait levé sans problème, or Kai était un résidu de zombie (j'en ai profité pour lui apprendre cet extrait d'argot français) et il m'a demandé de dessous la couette comment je faisais pour être debout. (Moi, debout à la première sonnerie du réveil, lui, debout une heure plus tard, et il a fallu attendre une heure de plus pour qu'il s'habille.) Je ne le blâme pas cela dit, étant moi-même un peu zombifiée. Il faut dire que nous avons très peu dormi, techniquement nous avons passé une nuit blanche puisque nous ne nous sommes endormis que bien après l'aube.
Non, vous n'en saurez pas plus sur cette nuit. Mais le matin a été difficile, avec des cheveux ébouriffés à la Dragon Ball et pour Kai, l'impossibilité totale de sortir du plumard. J'ai donc commencé le boulot du jour à sa place et c'est pour ça que je râle. Distribuer les journaux, je veux bien, mais quand il fait un temps de chien... bof. Et quand en plus on arrive à la fin de la tournée pour s'apercevoir qu'il reste 3 boîtes aux lettres et qu'on est à court de journaux et qu'il faut retourner en chercher à Station... Grrrrrrmmmmmmpppppppffff.
Au moins, ce dont je ne peux pas me plaindre, c'est que j'ai customisé mon vieux vélo. J'ai maintenant un couvre-selle moelleux qui me permet de rester sur ce vélo pendant un certain temps sans me retrouver avec de la compote de fesses. Youpi!!
Le temps est toujours pourri au moment où j'écris, et mon zombie (qui s'est un peu dézombifié entre-temps, surtout au moment de manger) est parti à Kalix pour une paire d'heures. J'espère qu'ils vont lui apprendre à parler lentement là-bas. (La blague courante sur les gens de Kalix, c'est qu'ils parlent lentement. Quand Kai parle le suédois, je dois toujours lui dire de ralentir alors j'espère une influence Kalixienne à son retour!)
Groar!